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Spotlight – Sylvie Deffayet : "Devenir un leader transformationnel, c’est apprendre à apprendre."

Dans un monde en constante transformation, le leadership est à l’épreuve. Pour les managers et les dirigeants, les évidences d’hier laissent place à des interrogations : comment emmène-t-on ses…

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16 oct 2020
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Dans un monde en constante transformation, le leadership est à l’épreuve. Pour les managers et les dirigeants, les évidences d’hier laissent place à des interrogations : comment emmène-t-on ses équipes vers l’avenir quand tout est incertain ? Comment incarner une vision forte et fédératrice ? Quelle est la bonne posture à adopter ? Ces sujets sont au cœur de l’expertise de la Chaire Leadership Development de l’EDHEC, dirigée par Sylvie Deffayet, PhD. Psychologue clinicienne, coach et docteur en Gestion, elle intervient notamment dans le cadre du parcours sur mesure "Accompagner vos leaders en contexte de crise".  Elle revient sur les grands enjeux du leadership, entre transformation, authenticité et impact.

 

Quelle est votre définition du leadership ?

Le leadership peut être défini de plusieurs manières. Il est un ensemble "d’habiletés de direction", que je qualifierais plus précisément de "ressources intérieures pour diriger". Mais le terme caractérise également une relation d’influence orientée vers la performance et la réussite d’objectifs communs. Cela étant, il est intéressant de distinguer leadership transactionnel et leadership transformationnel. Le leadership transactionnel renvoie au management opérationnel : le pilotage de l’action quotidienne, la définition des objectifs et des rôles, la réalisation d’évaluations régulières…. Un leader transactionnel s’appuie sur des méthodes et outils concrets, comme l’entretien d’évaluation, l’entretien de cadrage ou des outils de pilotage. Le leadership transformationnel est plus complexe. Un leader transformationnel amène les collaborateurs à élargir leurs horizons, à donner du sens à leur action et à voir au-delà de leur propre intérêt pour envisager celui d’autrui et de la collectivité. Le leader transformationnel voit loin, même dans la brume ! Il inspire et rassure, agissant avec une forme d’optimisme.

En général, avec les dirigeants et managers que j’accompagne en formation, nous commençons par évaluer si, par habitude ou par appétence, ils sont plutôt transactionnels ou transformationnels. Ils ont besoin des deux, mais le leadership transformationnel est moins évident à développer. C’est une toute autre posture, plus porteuse de sens.

 

Comment un manager ou un dirigeant peut-il développer son leadership transformationnel ?

Devenir un leader transformationnel, c’est avant tout apprendre à apprendre ! Ce travail sur soi n’est jamais révolu. Je compare souvent ce processus à la salle de gym où l’on doit se rendre régulièrement pour se muscler, sans jamais se reposer sur ses acquis. Pour apprendre, il faut être prêt à questionner, à s’interroger quotidiennement : suis-je à la hauteur ? Suis-je équipé pour la mission qui m’incombe ? Que me manque-t-il et comment y remédier ? Mais aussi, plus en profondeur : quelles sont mes valeurs et comment les incarner ? Le verbe incarner n’est pas choisi à la légère, car ce que nous travaillons est une posture – notre manière propre de nous tenir dans l’exercice de notre rôle. La posture managériale est autant cognitive et émotionnelle que corporelle.  

 

Travailler son leadership, c’est donc entreprendre un processus éminemment personnel.

En effet, ce processus réflexif touche à l’intime. Le leadership ne commence-t-il pas avec le self-leadership, c’est à dire la capacité à établir la libre direction de soi-même ? Mon rôle, dans le cadre des programmes de formation d’EDHEC Executive Education, n’est pas de dire à des professionnels ce qu’ils doivent faire dans tel ou tel contexte. C’est de les accompagner pour qu’ils travaillent en profondeur sur les soubassements de leur leadership.

Par ailleurs, l’un des mots-clés du leadership d’aujourd’hui est l’authenticité, avec la figure du "leader authentique", largement explorée dans le monde académique. Selon moi, cette authenticité repose sur quatre piliers : la capacité du leader à connaître ses forces et ses faiblesses, sa capacité à faire preuve de discernement et d’objectivité, sa transparence dans ses relations aux autres, et sa propension à agir conformément avec ses valeurs et ses forces. Réaliser cette authenticité demande un engagement personnel complet.

 

En quoi la crise actuelle met-elle le leadership à l’épreuve ?

La crise a eu l’effet d’un immense coup de plumeau sur nos croyances enracinées. En psychologie, on parle volontiers de "deuil de toute puissance" : les leaders ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas tout. Paradoxalement, cette réalisation est une belle opportunité ! Elle permet de revisiter ses ressources intérieures pour diriger et de se recentrer, afin d’être puissant là où nous en avons réellement besoin. Même en dehors d’une période de crise, les managers ont tendance à œuvrer en dehors de leur périmètre de responsabilités et à s’y épuiser. En se dispersant, on devient un tyran, pour soi comme pour les autres. Se recentrer sur sa responsabilité est un premier pas.

 

Comment le leadership peut-il s’apprendre ?

Sur le plan pédagogique, le leadership ne peut s’enseigner dans un cours classique, dont le contenu serait arrêté. Une approche top-down n’aurait aucun sens. À la place, nous proposons une démarche d’apprentissage réflexive, et en communauté.

 

Comment procédez-vous concrètement, notamment dans le cadre d’un parcours comme le parcours "Accompagner vos leaders en contexte de crise" ?

Notre approche consiste à nous appuyer sur les enjeux propres à chaque participant, pour enclencher une transformation qui soit ancrée dans leur réalité. Nous proposons donc à ces dirigeants issus d’une même entreprise de se poser dans un cadre protégé et sécurisant, pour "refaire le match" de leur action managériale, se reconnecter à leurs habiletés de direction et comprendre comment les travailler au service d’un leadership réellement transformationnel. Ce processus est particulièrement riche parce qu’il est collaboratif : il se nourrit d’échanges entre pairs.  

Lors de ces sessions de formation, je déploie une méthode que j’appelle "l’Art du questionnement". Chacun s’emploie à clarifier les questions qui lui sont importantes, afin d’identifier les sujets sur lesquels concentrer son évolution. Ensuite, nous travaillons au niveau de l’intelligence émotionnelle, en opérant notamment ce que j’appelle un véritable "nettoyage de croyances".

 

Comment s’opère ce "nettoyage de croyances" ?

La croyance est une notion clé lorsqu’il s’agit de leadership. Ce que je crois sur moi-même et ce que je projette sur les autres, en positif comme en négatif, influe nécessairement sur ma posture et mes actions.  L’estime de soi, par exemple, relève de la croyance. Ainsi, comment faire impact auprès de vos équipes si l’on est convaincu qu’ils ont une mauvaise image de vous, ou que vous n’êtes pas à la hauteur de votre mission ? Apprendre, c’est accepter de changer ce que l’on pense sur soi et sur le monde. Ce que je propose aux managers et dirigeants lors de nos formations, c’est de regarder ces croyances avec bienveillance pour faire un pas de côté – en bénéficiant de l’expérience et des points de vue de leurs pairs.

 

L’impact de ce type de parcours est-il mesurable ?

Cette question est importante, car s’il est relativement simple de savoir si les participants à une formation en sont satisfaits, il est plus difficile de déterminer s’ils ont réellement appris quelque chose. Dans le cadre de la Chaire Leadership Development de l’EDHEC, nous avons donc créé un programme de mesure de l’efficacité de ces dispositifs, qui permet d’évaluer la manière dont une personne a réellement développé son leadership. Nous nous appuyons sur un système de questionnaires d’auto-évaluation partagés avec les participants au début de la formation, à la fin, mais également six mois après son déroulement. En analysant leurs réponses, nous observons leur évolution sur certaines dimensions clés du leadership transformationnel, qui sont considérées comme peu mobiles en temps normal : l’assertivité, la capacité à demander de l’aide, la perception des risques…  Globalement, on constate une évolution en deux temps à la suite de nos parcours : une montée rapide au moment de la formation puis un temps de mise en place et de pérennisation du changement.

 

Pour plus d’informations sur les programmes sur mesure d’EDHEC Executive Education destinés aux entreprises, ainsi que sur le parcours "Accompagnez vos leaders en contexte de crise", contactez-nous : [email protected]

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