Comment assurer une reconnaissance équitable des femmes dans la recherche : 7 conseils autour des signatures scientifiques

Dans le monde universitaire, la signature académique des recherches produites est loin d'être une simple formalité. C'est un facteur clé pour le développement de carrière, les opportunités de financement et la reconnaissance. Pourtant, le processus d'attribution des "crédits" d'un travail scientifique est souvent influencé par des dynamiques de pouvoir informelles et, la plupart du temps, cette lutte de pouvoir finit par désavantager les femmes.

Ceci est confirmé par les résultats d'une récente méta-analyse (1) dans laquelle nous avons examiné les travaux de 3 565 chercheurs dans 12 pays. L'étude révèle que les femmes sont plus souvent victimes de pratiques déloyales en matière de signature, telles que l'exclusion simple des crédits ou la mention à un rang inférieur dans l'ordre des auteurs.

Il existe trois types de problèmes clés concernant le crédit des travaux académiques.

Le premier est un manque de transparence. Il existe une zone grise dans la désignation et l'ordre des auteurs qui peut aller jusqu'à une "signature fantôme" (exclusion de contributeurs) ou fictive (inclusion de non-contributeurs).

Le deuxième problème est l'absence de norme commune, car il n'existe pas de cadre universellement accepté concernant la désignation et l'ordre des auteurs.

Enfin, l'absence de politiques et d'outils de soutien : la plupart des universités n'ont pas de politiques officielles pour résoudre les conflits de crédit.

En conséquence, les femmes, en particulier les chercheuses en début de carrière, se voient souvent attribuer des rôles ou ordres perçus comme moins prestigieux.

Comment dès lors assurer une reconnaissance égale des femmes dans la recherche ? Voici 7 conseils :

1. Ouvrir le dialogue dès le départ

La première étape pour améliorer les pratiques en matière de signature scientifique des travaux commence avant même le début du projet de recherche. Les chercheurs et les scientifiques doivent créer un environnement open qui ouvre la voie à des conversations claires sur les attentes, les préoccupations et l'évolution des circonstances. C'est important car notre travail montre que seuls 12 % des chercheurs discutent systématiquement des rôles et crédits au début d'un projet, tandis que les femmes ont déclaré se sentir moins à l'aise pour en discuter.

Étant donné que la dynamique entre les sexes et le rapport de force peuvent encore jouer un rôle à cet égard, il est important de veiller à ce que les hommes et les femmes assument la responsabilité d'instaurer des conversations ouvertes et transparentes sur les crédits. Une autre solution consiste à encourager tous les auteurs à créer une déclaration de contribution au projet.

2. Résoudre les litiges par le biais de politiques (policies)

Malheureusement, il existe encore un manque flagrant de politiques en matière de crédit intellectuel et de résolution des conflits associés. L'article montre que 76 % des établissements de recherche ne disposent pas de processus structurés de résolution des litiges. Cela crée un environnement dans lequel les chercheurs, en particulier les femmes, sont confrontés à davantage de désaccords concernant la mention de leur nom en tant qu'auteur et l'ordre des signatures.

Il est essentiel de plaider en faveur de politiques à l'échelle de l'université qui fournissent des orientations sur les pratiques équitables en matière et des mécanismes de résolution des litiges afin de prévenir tout parti pris.

3. Edicter des règles au niveau des départements académiques pour réduire le nombre de "cadeaux"

Beaucoup de choses peuvent être faites au niveau du département de recherche et d'enseignement. Les "cadeaux" en termes de signature se produisent généralement lorsque des membres installé du corps professoral sont ajoutés à des articles de recherche sans avoir apporté de contribution significative. Et c'est une pratique assez courante : plus des deux tiers (68 %) des personnes interrogées ont été témoins de cas de "cadeaux".

C'est pourquoi les directeurs de département ont un rôle particulièrement important à jouer pour garantir l'application des politiques en matière de crédits des publications. Tout d'abord, les chercheurs confirmés doivent prendre leurs responsabilités et montrer l'exemple en décourageant les pratiques contraires à l'éthique. Ensuite, une formation peut être mise en place au niveau du département pour s'assurer que les normes et les attentes sont comprises, et pour créer un espace sûr où les enseignants et les étudiants peuvent discuter des  différentes pratiques relatives aux publications.

4. Donner les moyens d'agir aux nouvelles générations de chercheurs

Les étudiants diplômés et les chercheurs en début de carrière, en particulier les femmes, ne sont pas seulement pas ou peu conscients de leurs droits d'auteur, mais ils craignent également de s'exprimer en raison des répercussions potentielles sur leur carrière. Pour garantir des pratiques équitables, en particulier envers les femmes, il est essentiel de donner aux jeunes étudiants les moyens d'agir grâce à des programmes d'éthique des signatures.

La formation des étudiants diplômés ou des chercheurs en début de carrière est importante pour créer un savoir partagé sur les crédits et leur donner les moyens de favoriser un dialogue ouvert pour les prochaines générations de chercheurs.

5. Expliciter les ordres des noms et des accords relatifs aux crédits

Au-delà de leur désignation, l'ordre des auteurs est également important. Les changements de dernière minute dans l'ordre des auteurs peuvent créer des tensions entre les collaborateurs scientifiques, et cela arrive plus souvent qu'on ne le pense. Un chercheur a ainsi rapporté durant l'étude qu'un coauteur avait modifié de manière inattendue l'ordre des auteurs juste avant la soumission.

Des accords formels de crédits qui définissent les rôles et l'ordre dès le départ peuvent aider à éviter de tels conflits. Ils doivent être suffisamment souples pour évoluer en cas de modification des contributions, mais doivent rester fermes pour garantir une reconnaissance appropriée.

6. Tenir des registres des contributions pour lutter contre les signatures fictives

Les accords liés aux signatures scientifiques ne contribuent pas seulement à harmoniser les attentes entre les chercheurs, ils peuvent aussi mettre les femmes plus à l'aise lorsqu'elles discutent de ces sujets. Sans une documentation complète, les contributions peuvent facilement être minimisées, voire ignorées. Les résultats indiquent que la majorité (55 %) des chercheurs ont observé des cas de "signature fantôme", où des contributeurs légitimes ont été exclus des crédits.

La tenue de registres détaillés, tels que des notes de réunion, des journaux et des résumés de contributions, peut être cruciale pour garantir un crédit équitable et peut également servir de preuve en cas de litige.

7. Prendre la parole et sensibiliser

Parler de pratiques non éthiques peut être intimidant, surtout pour les jeunes chercheurs. Cependant, le soutien de l'institution peut faire une réelle différence. C'est le cas d'un participant à l'étude qui a réussi à obtenir une reconnaissance plus juste de sa signature après avoir demandé de l'aide à son département. Cette histoire ne devrait pas être une exception. Parler peut vraiment faire pencher la balance. Si cela ne peut pas réparer les injustices passées, cela peut au moins empêcher que d'autres ne se produisent à l'avenir.

Les mentors, les chefs de département ou même les comités d'éthique peuvent être appelés à intervenir en cas de traitement injuste. Par conséquent, si un chercheur ne se sent pas à l'aise pour discuter de ses préoccupations avec le responsable du projet ou d'autres collaborateurs, il peut toujours s'adresser à d'autres personnes de confiance au sein de l'institution.

Les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de crédits scientifiques ne disparaîtront pas du jour au lendemain, mais ces sept stratégies peuvent contribuer à créer une culture universitaire plus éthique et plus équitable.

Références

(1) Women’s and Men’s Authorship Experiences: A Prospective Meta-Analysis - Banks, G. C., Rasmussen, L. M., Tonidandel, S., Pollack, J. M., Hausfeld, M. M., Williams, C., Albritton, B. H., Allen, J. A., Bastardoz, N., Batchelor, J. H., Bennett, A. A., Briker, R., Castille, C. M., De Jong, B. A., Demeter, E., DeSimone, J. A., Field, J. G., Figueroa-Armijos, M., Fernanda Garcia, M., … Yang, T. (2025). Journal of Management, 0(0). https://doi.org/10.1177/01492063251315701