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E-santé : les enjeux de la transformation numérique du système de santé

Loick Menvielle , Professor, Management in Innovative Health Chair Director

Dans cet article, initialement publié dans Forbes, Loick Menvielle, Professeur à l'EDHEC et directeur de la chaire Management in Innovative Health, détaille les fondements de l’e-santé, ses divers champs d’application et les enjeux associés.

Temps de lecture :
6 Sep 2024
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E-santé, définition de l’OMS

L’e-santé, ou santé numérique selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), représente l’exploitation optimale des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour renforcer les objectifs de santé publique. Cette approche modernise la médecine en améliorant la qualité des soins offerts aux patients, en facilitant leur accès aux services médicaux et en renforçant la gouvernance des systèmes de santé.

Elle englobe diverses applications, de la gestion médicale électronique et des consultations en ligne à la télémédecine et aux outils mobiles de suivi médical. Des solutions en ligne telles que les communautés de patients (comme Carenity et Patientslikeme), les applications mobiles et les objets connectés ouvrent de nouvelles perspectives pour le suivi des patients.

 

L’OMS insiste sur le fait que l’e-santé va au-delà de l’adoption technologique ; elle requiert une intégration stratégique pour assurer les bénéfices tout en garantissant la confidentialité des données et le respect des normes éthiques. Enfin, il est également important de souligner que la e-santé peut jouer un rôle crucial pour répondre aux besoins de santé dans les pays émergents, confrontés à des défis d’accès aux soins, comme en témoignent les initiatives de l’Union internationale des télécommunications (UIT).

De nos jours, la e-santé demeure mal comprise, puisque 64 % des Français ne possèdent pas une vision claire de ce concept, selon les résultats du baromètre EDHEC BMS IPSOS de 2022.

 

Santé numérique : les champs d’application

L’e-santé englobe plusieurs domaines. Elle change la façon dont le patient consulte son médecin et gère son dossier médical aujourd’hui.

Systèmes d’information de santé ou hospitaliers

Ces systèmes de santé ou hospitaliers constituent l’un des piliers fondamentaux de la médecine connectée. Ils visent à informatiser et à centraliser les éléments médicaux, administratifs et financiers au sein des établissements de santé. Grâce à ces systèmes informatiques, les professionnels de santé peuvent accéder rapidement et efficacement aux dossiers médicaux du patient, favorisant ainsi un suivi plus coordonné et sécurisé.

Ces plateformes permettent également une meilleure gestion des ressources hospitalières, en facilitant la planification des rendez-vous, la gestion des lits, la prescription électronique et le suivi des traitements. De plus, en centralisant les renseignements, ces systèmes contribuent à réduire les erreurs médicales, en assurant une meilleure communication entre les différents acteurs de santé et en permettant une analyse de données pour la recherche clinique et épidémiologique. Toutefois, il est essentiel de garantir la sécurité et la confidentialité en mettant en place des mesures importantes pour protéger les informations sensibles des patients contre les cybermenaces et les accès non autorisés.

La télésanté

La télésanté se positionne au cœur de la médecine numérique, proposant des alternatives novatrices pour la consultation et la prise en charge d’un patient à distance. Elle intègre une diversité de services, depuis les consultations médicales virtuelles jusqu’aux interventions chirurgicales robotisées et au suivi en ligne des personnes atteintes de pathologies chroniques.

Cette approche transforme la manière dont la médecine consulte la patientèle, en surmontant les contraintes géographiques et en offrant un accès équitable aux soins, notamment pour les populations rurales ou éloignées. Les outils de télémédecine, tels que les applications mobiles sécurisées et les dispositifs connectés, permettent aux professionnels de santé de monitorer les paramètres vitaux, d’échanger des données médicales et d’établir des diagnostics.

Par exemple, le pharmacien peut accompagner et suivre un patient grâce au numérique (décret n° 2021-707 du 3 juin 2021 relatif à la télésanté, arrêté du 3 juin 2021 définissant les activités de télésoin, article L. 6316-2 du Code de la santé publique (CSP), excepté s’il s’agit de soins nécessitant un contact direct en présentiel, ou un équipement spécifique non disponible auprès du patient.

 

Les enjeux et défis

Les enjeux et défis auxquels est confrontée la santé digitale sont multiples et complexes, reflétant les évolutions sociodémographiques et épidémiologiques actuelles.

Mieux répartir les ressources médicales

L’évolution de la démographie médicale pose un défi majeur, avec une pénurie croissante de professionnels de santé dans certaines régions et spécialités. La santé numérique peut offrir des solutions pour pallier ces carences en permettant une redistribution virtuelle des ressources médicales et en facilitant la téléconsultation.

Faire face aux déserts médicaux

Les inégalités territoriales d’accès aux soins demeurent une préoccupation centrale, surtout dans les zones rurales ou éloignées. La télémédecine et les plateformes de e-santé peuvent contribuer à réduire ces disparités en offrant un service médical à distance et en renforçant les infrastructures de santé locales.  

Prendre en charge la croissance des maladies chroniques

La hausse de la prévalence des maladies chroniques nécessite une approche proactive et intégrée. La santé numérique peut jouer un rôle déterminant en permettant un suivi continu des patients, en favorisant l’autogestion des maladies et en facilitant la coordination entre les différents acteurs de santé.

Répondre au vieillissement de la population

Enfin, le vieillissement de la population et la gestion de la dépendance posent des défis considérables. L’intégration de solutions numériques, telles que les dispositifs connectés, les applications et logiciels de surveillance à domicile et les systèmes d’information partagés, peut améliorer la qualité de vie des personnes âgées, renforcer leur autonomie et soutenir les aidants tout en optimisant les ressources disponibles.

 

E-santé : où en est-on ?

La France a connu une évolution significative dans le domaine de l’e-santé ces dernières années. Des initiatives telles que le dossier médical partagé (DMP), qui vise à centraliser les informations médicales d’un patient, ou la télémédecine, qui permet des consultations à distance (téléconsultations), ont été mises en avant. La crise sanitaire liée à la COVID-19 a accéléré l’adoption de solutions connectées, avec une augmentation notable des téléconsultations et une prise de conscience accrue de l’importance de la digitalisation dans le système de santé français.

Par exemple, la plateforme numérique SI-DEP, mis en œuvre au printemps 2020, a constitué un outil majeur dans la stratégie de dépistage de la Covid-19. Un professionnel biologiste ou un pharmacien d’officine peut ainsi y enregistrer les résultats des tests RT-PCR et antigéniques.

Toutefois, des défis persistent notamment en matière :

  • d’interopérabilité des systèmes,
  • de protection des données personnelles dans le cadre de la gestion de dossier en ligne,
  • et de formation des professionnels de santé aux outils numériques.

 

À l’échelle mondiale, l’e-santé connaît une expansion rapide, stimulée par les avancées technologiques, les besoins croissants en matière de santé et les défis démographiques. De nombreux pays ont adopté des stratégies nationales pour promouvoir la santé numérique, allant de la mise en place de dossiers médicaux électroniques à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour le diagnostic et le traitement des maladies.

Des régions comme les États-Unis sont à la pointe de l’innovation en matière d’e-santé, avec des investissements importants dans les infrastructures connectées, la recherche et le développement de solutions technologiques. Cependant, des disparités subsistent entre les pays développés et en développement en termes d’accès aux technologies, de financement et de réglementation, soulignant la nécessité d’une approche globale et collaborative pour maximiser les avantages de l’e-santé à l’échelle internationale.

 

Bon à savoir : L’utilisation des téléconsultations a connu une hausse significative lors des périodes de crise sanitaire intense et de confinement. En dehors de ces contextes, elles s’inscrivent désormais comme une pratique régulière des médecins généralistes libéraux, constituant 3,7 % de leur activité en 2021, contre 5,7 % en 2020, selon les chiffres de la DREES. Ainsi, elles sont devenues une part intégrante, mais encore limitée, du parcours médical, se positionnant comme une alternative aux visites traditionnelles. Notamment, elles demeurent moins fréquentes que les consultations en présentiel depuis la levée des restrictions du premier confinement.

 

En somme, l’e-santé s’affirme comme un domaine en pleine expansion, offrant des opportunités sans précédent pour révolutionner la manière dont consulte un patient. Toutefois, son déploiement nécessite une réflexion stratégique, une réglementation appropriée et une collaboration interdisciplinaire pour maximiser ses avantages tout en garantissant l’éthique, la sécurité et la qualité de la prise en charge médicale. À mesure que la technologie continue d’évoluer, il est impératif d’embrasser l’e-santé comme un catalyseur d’innovation, tout en veillant à ce qu’elle serve véritablement le bien-être et la santé des individus à travers le monde.

 

Picture by K. Grabowska via pexel.com

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