A la rencontre de Bastiaan van der Linden, un professeur "durable" qui fait tomber les barrières
Bastiaan van der Linden n'aime pas les silos. Avec une vie passée à construire des passerelles et à faire collaborer différentes sphères, ce professeur associé à l'EDHEC (depuis 2016) et directeur du MSc in Global & Sustainable Business, se voit à la croisée des chemins - un rôle qui favorise la fusion des disciplines et des intérêts pour donner de nouvelles significations à ce que nous faisons, à la façon dont nous pensons et à l'impact que les entreprises ont.
"J'ai commencé par étudier la gestion d'entreprise, non pas tant par intérêt pour le business mais parce que, dès le départ, j'ai aimé interagir et construire des projets avec le plus de personnes possibles", explique Bastiaan. "Aussi intéressant que soit ce domaine, il me manquait cependant une approche plus réfléchie, un aspect 'critique'. J'ai donc ajouté la sociologie dans mon approche". Après avoir obtenu sa maîtrise en 2003, il se lance dans un doctorat avec suffisamment d'autonomie pour définir son propre sujet. Ajoutant une perspective philosophique à sa vision holistique de l'entreprise et de la création de valeur, il présente sa thèse "The Creation of Value(s) in Business" à la Nijmegen School of Management (Pays-Bas) en 2012 (1).
Le désir de Bastiaan de faire tomber les barrières est peut-être lié à ses racines néerlandaises : "Les Néerlandais ont souvent un mode de résolution des conflits fondé sur le consensus et ils ont tendance à penser en termes d'intérêts communs", explique-t-il. "Ils cherchent à savoir comment nous pouvons faire les choses ensemble, en mettant les contradictions sur la table. Pour un individu, cela peut être étouffant, et je me sens très proche du poète Slauerhoff du début du 20e siècle et de son poème 'In the Netherlands I cannot live' (2). Mais cette philosophie fonctionne très bien pour les entreprises et la recherche".
Pendant quelques années, Bastiaan utilise cette approche pour résoudre des problèmes en tant que consultant, en accompagnant des clients de premier plan comme Aon Hewitt, Delta, ou l'une des municipalités d'Amsterdam : "J'aimais les situations d'intérêts divergents et de tension, où il faut être capable de trouver un "ensemble", ou de négocier diplomatiquement un moyen d'avancer et d'amorcer une profonde transformation organisationnelle".
Son attachement à la théorie dite des parties prenantes (stakeholder theory) lui permet d'aborder un problème sous plusieurs angles et de trouver le point de convergence des individualités. Après quelques années d'enseignement à la Nijmegen School of Management et de travail en tant que consultant indépendant dans des projets liés à ses intérêts académiques, il rejoint l'EDHEC Business School en 2016.
Depuis près de huit ans, Bastiaan apporte à l'EDHEC sa vision de l'interconnexion, à un moment où les entreprises et les écoles de commerce ont (enfin) compris que le développement durable ne pouvait plus être abordé par silo. "Je ne pense pas que l'étiquette RSE soit très utile pour penser à la durabilité des entreprises, elle compartimente trop", réfléchit-il. "Cela peut sembler étrange de la part d'un professeur associé en RSE, mais ce langage place les questions de durabilité comme distinctes des préoccupations des entreprises. Il fait écho à notre 'drôle' d'habitude de voir la planète d'un côté et ses habitants de l'autre. Cela masque l'interdépendance des systèmes environnementaux et sociaux. Nous devons penser différemment : viser la durabilité ET le business, essayer de vivre en symbiose AVEC notre planète, et pas seulement à vivre SUR cette dernière".
Il trouve à l'EDHEC un terrain d'expérimentation adéquat, arrivant au moment où l'école ouvre une nouvelle ère pour le rapport des entreprises et du business à la durabilité, en passant d'une approche par spécialisation à son intégration dans pratiquement tous les programmes.
"L'EDHEC est un lieu où convergent différents mondes", précise-t-il. "L'entreprise, le monde universitaire, l'enseignement, les étudiants et leurs antécédents internationaux... c'est inspirant de voir et de participer à cette convergence. C'est une construction intéressante d'une réalité variée avec de grandes opportunités de découvrir et de développer, an sens large, un nouveau vocabulaire".
Toujours à l'intersection de la théorie et de la pratique, Bastiaan utilise sa casquette de chercheur pour élargir les ambitions des entreprises: de l'utilisation de récits dans les rapports de durabilité (3) à une vision holistique de la prise de décision des entreprises (4) en passant par l'amélioration de la légitimité de la gouvernance des labels de durabilité (5).
Bastiaan est convaincu que le meilleur reste à venir pour les entreprises et le développement durable. "L'un des grands défis", dit-il, "est de comprendre ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l'objectif ou de la finalité de l'entreprise. À l'heure actuelle, nous mettons beaucoup de pression sur ce concept. La finalité est censée favoriser l'engagement des employés, attirer les clients, séduire les investisseurs, sans oublier de sauver la planète ! Voilà de grandes ambitions pour un seul mot. La finalité est une caractéristique humaine naturelle : c'est l'un des moteurs des réalisations inégalées de l'humanité, comme l'organisation ou la construction de sociétés et de systèmes de production complexes. Mais jusqu'à présent, ce comportement intentionnel s'est principalement fait au détriment de la planète. Il est loin d'être évident que la finalité seule puisse la sauver. C'est l'une des questions auxquelles j'espère me consacrer dans les années à venir."
Côté enseignement, Bastiaan voit le MSc in Global & Sustainable Business, dont il est le directeur fondateur, comme un autre exemple de rapprochement des mondes et des personnes : "Les professeurs avaient l'habitude de considérer les étudiants comme des éponges spécialisées qui devaient absorber le plus de connaissances possibles", explique-t-il, "mais les entreprises ont besoin de personnes compétentes. La compétence n'est pas la même chose que le savoir. C'est pourquoi nous devons former nos étudiants différemment : les amener à établir des liens entre les sujets, à avoir une vision intégrée de tout ce qui compose une entreprise et à penser en termes d'impact et de parties prenantes. Nous voulons qu'ils établissent des liens intellectuels, pratiques et personnels entre les sujets".
Pour lui, cette approche est conforme à la philosophie de l'EDHEC, qui consiste à "apprendre en faisant" : "Nous avons construit un programme qui soutient ce type d'apprentissage : les étudiants choisissent et développent leurs propres cas, et ils exercent leur propre vision du monde en choisissant la manière de les traiter. Nous les encourageons à cultiver leur individualité, à confronter leurs convictions à celles des autres et à construire ensemble quelque chose de plus grand. D'une certaine manière, nous les formons à ce que nous aimerions voir davantage dans le monde : dépasser la dichotomie entre la compétition et la coopération".
Idéaliste sans étiquette, Bastiaan est une force d'inspiration, avec la tête dans le domaine théorique et les pieds fermement plantés sur le terrain des affaires. Il semble avoir trouvé un foyer parfait à l'EDHEC, où il aide l'école et les étudiants à mieux intégrer la durabilité et, ce faisant, à renforcer notre pertinence face aux défis d'aujourd'hui.
Dates clés
Depuis 2019: Directeur du MSc in Global & Sustainable Business, EDHEC Business School
2016 et 2019: Professeur invité, Darden School of Business, University of Virginia (Etats-Unis)
Depuis 2016: Professeur associé, EDHEC Business School
Depuis 2014: co-editor-in-chief, Business and Professional Ethics Journal
2012: Thèse "The Creation of Value(s) in Business", Nijmegen School of Management (Pays-Bas)
2011-2016: Lecturer, Nijmegen School of Management (Pays-Bas)
2009-2011: Consultant, SBI Organisatieadvies, Doorn (Pays-Bas)
2004-2009: Chercheur junior, programme doctoral, Nijmegen School of Management (Pays-Bas)
2003-2016: Consultant freelance
2003: Master Business Administration, Nijmegen School of Management (Pays-Bas)
Pour en savoir plus sur Bastiaan van der Linden
- Visiter sa page personnelle EDHEC
- Accéder à son profil Research gate
- Se rendre sur son profil Linkedin
Références
(1) PhD, "The Creation of Value(s) in Business", Nijmegen School of Management (2012).
(2) "In Holland...", J. Slauerhoff. https://www.poetryinternational.com/en/poets-poems/poems/poem/103-17882_IN-HOLLAND/
(3) Van der Linden, B., Wicks, A.C. & Freeman, R.E. How to Assess Multiple-Value Accounting Narratives from a Value Pluralist Perspective? Some Metaethical Criteria. J Bus Ethics (2023). https://doi.org/10.1007/s10551-023-05385-1
(4) Van der Linden, Bastiaan, and R. Edward Freeman. 2017. “Profit and Other Values: Thick Evaluation in Decision Making.” Business Ethics Quarterly 27(3): 353–79. doi: 10.1017/beq.2017.1.
(5) Martens, W., van der Linden, B. & Wörsdörfer, M. How to Assess the Democratic Qualities of a Multi-stakeholder Initiative from a Habermasian Perspective? Deliberative Democracy and the Equator Principles Framework. J Bus Ethics 155, 1115–1133 (2019). https://doi.org/10.1007/s10551-017-3532-4
Pour lui, "nous avons la 'drôle' d'habitude de voir la planète d'un côté et ses habitants de l'autre. Cela masque l'interdépendance des systèmes environnementaux et sociaux. Nous devons penser différemment : viser la durabilité ET le business, essayer de vivre en symbiose AVEC notre planète, et pas seulement à vivre SUR cette dernière".
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