A la rencontre de Marie-Cécile Cervellon, une professeure de marketing engagée, qui explore le luxe sous toutes ses coutures
Marie-Cécile Cervellon cumule les casquettes : chercheuse, professeure, directrice du département Marketing, cette Franco-Canadienne affiche un CV bien rempli, le résultat de ses multiples expériences dans les mondes académique et professionnel. Suivant ses passions et ses instincts, elle a su se forger un socle de convictions qui orientent ses choix et marquent son style : un attachement à l’applicabilité de la recherche et un amour pour la transmission et le partage.
“Depuis toute petite, j’ai toujours voulu enseigner”, confie-t-elle d’entrée de jeu. De ses premiers rêves d’institutrice aux bancs de l’enseignement supérieur il n’y a presque qu’un pas (et quelques années). Pour concrétiser ce plan de carrière, Marie-Cécile s’attèle d’abord à valider un Master Recherche en Marketing (anciennement Diplôme d’Études Approfondies) à l’Université Paris Dauphine. Mais cette formation lui laisse un goût d’inachevé : “Ces études, bien qu’enrichissantes, étaient extrêmement théoriques et je me suis très vite posé la question de ma légitimité : comment enseigner quelque chose d’aussi concret que le marketing sans jamais l’avoir pratiqué ?”
Marie-Cécile commence donc sa carrière non pas derrière un pupitre mais derrière un bureau, chez Sara Lee - Douwe Egberts en l’occurrence. Elle passe sept ans, à Paris, au sein de la grosse machine américaine. Passant d’assistante chef de produit à chef de produit puis brand manager et développement, elle apprend le métier au contact de marques emblématiques comme Benenuts, Maison du Café et Senseo, marque pour laquelle elle participera au développement du système qui révolutionnera le marché du café à domicile quelques années plus tard. Mais les sirènes de l’éducation ne sont pas si faciles à ignorer.
Après sept ans dans l’industrie et s’être réconciliée avec sa légitimité, Marie-Cécile retrouve ses premières amours à McGill University, à Montréal, pour un doctorat mêlant marketing et psychologie, financé en partie par l’Institut Danone. Et pour cause, sa thèse, soutenue en 2004, porte sur les conflits dans l’attitude vis-à-vis de l’alimentation, notamment ceux liés aux désordres alimentaires (1), afin de promouvoir un marketing alimentaire responsable.
Laissant le Grand Nord Canadien pour le Sud de la France, sa région natale, elle entame sa carrière de professeure à l’IUM à Monaco, une école qui séduit alors Marie-Cécile à plus d’un titre: “Le projet de développer des cursus autour des industries du luxe m’a tout de suite parlé”, explique-t-elle, “il n’y a pas meilleur endroit au monde pour étudier ce secteur et celui des ultra-riches que la Côte d’Azur, de Monaco à Cannes. Et bien sûr, cet environnement a fondamentalement influencé ma recherche.”
Faisant le pont entre cette industrie, fer de lance du savoir-faire Français, et son intérêt pour le marketing responsable, Marie-Cécile oriente ses recherches sur le luxe responsable et publie notamment, en 2012, le tout premier article académique sur les motivations des acheteurs du luxe d’occasion et du luxe vintage (2), alors que les premières plateformes de revente de luxe voient le jour en France.
En 2013, elle rejoint l’EDHEC, attirée notamment par la qualité de la recherche et l’orientation de l’école autour de la notion d’impact. “Ce sont des concepts qui résonnaient avec mes valeurs personnelles et mes convictions professionnelles”, détaille-t-elle. “J’ai toujours considéré comme des priorités de faire le lien avec le terrain et la réalité des entreprises, et de penser la recherche en termes d’impact sur la société, d’où mon focus sur l’éthique et la durabilité.”
À l’EDHEC, elle donne un nouvel élan à sa recherche en se lançant dans plusieurs directions complémentaires : la durabilité dans le luxe et la mode, avec des publications autour du discours narratif dans la communication des marques de luxe (3) ou des motivations liées à la vente de produits de luxe de seconde-main (4), le marketing de la nostalgie et la consommation vintage, avec un ouvrage paru en 2018 étudiant de près le phénomène de consommation rétro ou rétromania (5); et le marketing de l’influence, un sujet plus récent qu’elle a notamment développé au travers des études de cas Chopard (6) ou Supreme. Poussant toujours plus loin le curseur de l’applicabilité de la recherche, Marie-Cécile a également participé en 2023 à l’élaboration d’un ensemble de recommandations pour développer l’employabilité dans la mode responsable (7), des travaux financés par une bourse projet Erasmus+ de l’Union Européenne.
Son parcours sur le volet pédagogique à l’EDHEC n’en est pas moins dense. En 11 ans, Marie-Cécile a enseigné le marketing dans tous les programmes de l'école, des Programmes Grande Ecole et BBA aux programmes Global et Executive MBA, en passant par la Msc Marketing Management, apportant son expertise de l’industrie et son regard acéré sur le secteur du luxe notamment. Depuis 2021, elle a pris la suite de Michael Antioco – désormais doyen du corps professoral et de la recherche - à la direction du département marketing, un rôle qui lui tient énormément à cœur : “J’ai la chance de travailler au quotidien avec une équipe formidable”, précise-t-elle, “des professeurs au regard unique, à l’engagement sans faille, et qui partagent une vraie envie de faire ensemble.” Ce “faire-ensemble” s’est notamment traduit par un cours monté à vingt-quatre mains (12 professeurs donc !), Challenges to sustainability & consumer well-being, et couvrant six industries, ou un programme d’été The Business of Luxury, proposé à Nice pour bénéficier de la proximité des écosystèmes du parfum, de l’hôtellerie, de la viticulture et bien entendu l’ultra-luxe.
Et ce n’est que le début puisque Marie-Cécile entend faire de son rôle un moteur pour développer ce type de collaborations, faire avancer la recherche pluridisciplinaire, et continuer à toujours mieux intégrer l’industrie à la salle de cours. “C’est ce qui m’a attirée à l’EDHEC il y a plus de 10 ans et qui continue à me donner de l’énergie aujourd’hui”, conclut-elle.
Dates clés
Depuis 2023 : Co-Directrice du Summer Program "The Business of Luxury"
Depuis 2021 : Directrice du département Marketing, EDHEC Business School
Depuis 2013 : Professeur (Marketing), EDHEC Business School
2004-2013 : Directrice de programme et professeure de marketing, International University of Monaco
2004 : Doctorat en Management (PhD), spécialité Marketing, Université McGill, Montréal
1998-2004 : Doctorante et lectrice en marketing, Université McGill, Montréal (Canada)
1991-1998 : Brand Manager, Sara Lee-Douwe Egberts, Paris (France)
1991 : Master Recherche en Marketing, Université Paris Dauphine
1990 : Master in Management (MiM), School of Management for Europe (désormais ESCP Europe)
1985-87 : Classes Préparatoires, Lycée Masséna, Nice
Pour en savoir plus sur Marie-Cécile Cervellon :
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Références
(1) Ambivalent and dual attitudes : attitude conflicts and their impact on decision making and behavior (2004), Thèse, Marie-Cécile Cervellon - Mc Gill University. https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/7w62fd47j
(2) Something old, something used: Determinants of women's purchase of vintage fashion vs second‐hand fashion (2012), International Journal of Retail & Distribution Management. Marie‐Cécile Cervellon, Lindsey Carey, Trine Harms. https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09590551211274946/full/html
(3) Narrative-transportation storylines in luxury brand advertising: Motivating consumer engagement (2016), Journal of Business Research. Jae-Eun Kim, Stephen Lloyd, Marie-Cécile Cervellon. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2015.08.002
(4) Selling second-hand luxury: Empowerment and enactment of social roles (2020), Journal of Business Research. Linda Lisa Maria Turunen, Marie-Cecile Cervellon, Lindsey Drylie Carey. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2019.11.059
(5) Revolutionary Nostalgia: Retromania, Neo-Burlesque, and Consumer Culture (2018),
Emerald Publishing Limited. Marie-Cécile Cervellon, Stephen Brown. https://books.emeraldinsight.com/page/detail/Revolutionary-Nostalgia/?k=9781787693463
(6) EDHEC Vox. [Cas par cas #7] « Chopard by Hylink » : quand l’intelligence artificielle facilite l’apprentissage du marketing (2024).
(7) SFES (Sustainable Fashion Employability Skills) White Paper (2023). Glasgow Caledonian University. https://www.researchgate.net/publication/372493746_SFES_Sustainable_Fashion_Employability_Skills_White_Paper