« Micro-management » : sept conseils pour (s')en sortir
Julia Milner, professeure à l'EDHEC, analyse, dans un article initialement publié sur The Conversation, comment résoudre des situations de micro-management... et pourquoi il ne suffit pas, pour (s')en sortir, de dire à son responsable que l'on ne veut pas être micro-managé.
Êtes-vous victime de « micro-management » de la part de votre responsable ? Pour répondre à cette question, imaginez la scène fictive suivante : Marc se rend chez Kelly, sa responsable, pour lui faire part de quelques préoccupations concernant l’équipe et un nouveau projet qui vient d’être lancé. Lorsqu’il frappe à la porte, il entend un bref « entre ». Dans le bureau, Kelly semble occupée, tapant frénétiquement sur son clavier. « Je suis avec vous dans une minute », lui dit-elle, tout en consultant son téléphone et en cochant des éléments sur une liste en papier. Marc sent qu’il n’aura pas beaucoup de temps, alors il est bref.
Marc : « Bonjour Kelly, comment ça va ? »
Kelly : « Bonjour Marc, ça va, j’espère que toi aussi. Je n’ai que cinq minutes, car je dois finir un rapport. De quoi veux-tu parler ? »
[Ses yeux parcourant une grosse pile de papiers devant elle]
Marc : « Eh bien, je suis préoccupé par la façon dont l’équipe travaille sur le nouveau projet. J’ai l’impression que nous nous ne savons pas exactement où nous allons et que nous nous dirigeons dans la mauvaise voie, je… »
[L’ordinateur de Kelly émet un son de notification, et elle regarde à nouveau son téléphone.]
Kelly : « Marc, je te suggère de créer une liste de tâches à faire et en priorisant les tâches les plus urgentes et importantes, de classer les tâches par client, etc. »
[Et ses suggestions se poursuivent pendant les quatre minutes restantes].
Cette scène présente les trois principaux indicateurs qui caractérisent les situations de micro-management que nous avons étudiées dans le cadre de nos travaux sur le leadership :
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Les réunions ne laissent que peu de place au dialogue. En se montrant rapidement directive, le comportement de communication de Kelly n’a pas donné à Marc l’occasion de partager ses réflexions.
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Les émotions ne sont pas prises en compte et il n’y a pas empathie. Marc voulait que Kelly l’écoute et reconnaisse son point de vue, ce qui ne fut pas le cas.
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Les instructions détaillées et pas à pas apparaissent comme la seule solution pour résoudre un problème. Kelly a manqué une occasion de tirer parti du pouvoir d’autonomisation des autres et de les soutenir dans la recherche de leurs propres solutions. Marc travaille pourtant beaucoup plus étroitement sur le projet et a probablement plus d’idées sur la façon de le faire avancer.
Si vous vous reconnaissez dans le personnage de Marc, alors sans doute devinez-vous déjà les conséquences du micro-management : bien que Kelly ait de bonnes intentions – résoudre rapidement un problème qui lui est présenté – le résultat des échanges est, au bilan, contreproductif. En effet, il est plus motivant de créer ses propres solutions plutôt que d’être « micro-managé ». Autrement dit, le micro-management enlève une composante de la motivation.
Derrière les meilleures intentions…
Autonomiser les autres ne signifie pas pour autant ne pas fournir de réponse si une personne a besoin d’instructions claires. Le micro-management ne signifie pas non plus que les managers le pratiquent à mauvais escient ou qu’ils ne soutiennent pas la résolution des problèmes. Mais il s’agit d’abord de se demander si l’environnement permet la formulation et la prise en compte d’idées et de propositions diverses.
Or, nous relevons de nos analyses de milliers d’interactions vidéo sur le leadership que les dirigeants peinent à autonomiser leurs équipes. Ainsi, nous avons constaté qu’ils pratiquaient souvent, à leur insu, « un micro-management motivationnel », comme nous l’avons appelé dans un TedXTalks.
Cela signifie que des instructions directes sont données avec un enthousiasme qui transparaît aussi bien dans la voix que dans le langage corporel. Souvent, les leaders ont les meilleures intentions, mais ils manquent de temps et estiment que leurs fonctions les obligent à tout résoudre.
Que faire ?
Pour sortir de ces situations, il ne suffit pas de dire à votre responsable que vous ne voulez pas être micro-managé. Voici quelques conseils pour aller plus loin :
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Les leaders manquent souvent de temps. En conséquence, soyez précis et clair sur ce que vous attendez d’eux. Exprimez le fait que vous souhaitez discuter d’un sujet avec eux, que vous aimeriez avoir un point de vue sur une idée que vous avez. Faites en sorte que votre leader vous écoute : « serait-il possible que vous m’écoutiez pendant deux minutes, car cela m’aiderait vraiment à parler de ce sujet x ».
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Demandez-leur de vous poser des questions pour vous assurer de leur écoute : « quelle est la principale question qui vous vient à l’esprit après mon bref exposé ? »
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Concentrez-vous sur les solutions plutôt que de présenter uniquement le problème. Au lieu de signaler un problème, présentez plusieurs idées et suggestions sur la façon de le résoudre : « j’ai réfléchi aux trois solutions suivantes pour notre projet actuel ».
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Demandez des retours (feedback) régulièrement. Pas seulement lors de votre évaluation de performance, afin de pouvoir changer les choses en continu : « j’aimerais connaître votre point de vue et vos commentaires sur x. »
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Soyez transparent sur vos valeurs, renseignez-vous sur vos points forts et communiquez-les pour amplifier vos forces sur les projets. Formulez-le clairement : « ce qui me motive, c’est si je peux utiliser xy, faire xy, travailler avec xy ».
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Soyez reconnaissant, montrez votre appréciation envers l’équipe et son travail. Ne vous contentez pas de vous plaindre ou de parler des problèmes, mais reconnaissez également les choses que votre responsable fait correctement.
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Les émotions sont contagieuses, efforcez-vous donc de propager celles que vous souhaitez voir davantage dans votre environnement de travail.
Avec ces conseils, vous pouvez mettre fin à des situations micro-management. Vous pourrez également aider votre responsable à changer de méthodes de management pour favoriser l’autonomie des équipes, donc leur motivation et leurs performances. À vous de jouer !
Cet article de Julia Milner, Professeure à l'EDHEC Business School, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.