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Réparabilité des produits : durabilité versus fiabilité, quels enjeux de communication ?

Joëlle Vanhamme , Professor
Pauline Munten , UCLouvain

Joëlle Vanhamme, professeur à l'EDHEC, et Pauline Munten, chercheur à l'UCLouvain, s'intéressent, dans un article initialement publié sur The Conversation, à l'intérêt qu'ont les marques à communiquer - ou non - sur la réparabilité de leurs produits.

Temps de lecture :
27 fév 2023
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Chaque Français produit environ 5 tonnes de déchets par an, notamment des produits tombés en panne que l’on jette afin de les remplacer. En 2020, seuls 40 % des appareils électriques et électroniques en panne étaient réparés. Sèche-cheveux, smartphone, lave-vaisselle, machine à laver… La plupart de nos objets du quotidien sont concernés.

C’est en premier lieu pour des raisons environnementales que la réparabilité des produits devient un enjeu majeur. Un indice de réparabilité est d’ailleurs devenu obligatoire en France depuis 2021 pour certaines catégories de produits, afin d’informer le consommateur sur le caractère réparable ou non d’un produit au moment de son achat et ainsi allonger sa durée de vie.

Cependant, les marques ont-elles réellement intérêt à communiquer sur la réparabilité de leurs produits ? Les réactions des consommateurs restent incertaines et pourraient même être contradictoires. C’est ce que nous essayons de mieux cerner dans un article récemment publié dans le Journal of Business Research.

Fiable ou pas fiable, telle est la question

Cette contradiction s’explique par les deux dimensions de la perception de qualité du produit : sa durabilité, c’est-à-dire la période de temps pendant laquelle le produit va remplir ses fonctions de manière performante, et sa fiabilité, c’est-à-dire sa probabilité de panne.

D’un côté, la réparabilité d’un produit peut être perçue de manière positive par le consommateur pour des raisons environnementales et économiques, car elle fait la promesse d’une plus grande durabilité.

D’un autre côté, la communication sur la réparabilité peut porter préjudice au produit si elle accentue son risque de défaillance dans l’esprit du consommateur et lui fait évoquer sa nécessité de réparation. En raison de ce deuxième effet possible, les communications au sujet de la réparabilité du produit peuvent engendrer des effets moins positifs, voire négatifs.

Cela pourrait décourager les marques de communiquer sur la réparabilité. D’autant plus que proposer un produit réparable a un coût non négligeable, que ce soit pour la marque qui doit prendre en compte sa réparation dès sa conception, ou pour le consommateur qui devra payer les pièces de rechange et la main-d’œuvre pour le réparer.

Une dimension responsable

Pour mieux comprendre, nous avons, dans un premier temps, mené trois expérimentations sur 1 269 personnes en France, suivies d’une méta-analyse. Cette première phase quantitative montre que les marques qui communiquent au sujet de la réparabilité de leurs produits sont perçues plus positivement par les consommateurs. Cela s’explique, d’une part, par leur perception que le produit aura une durabilité accrue et, d’autre part, par leur perception que la marque se comporte de manière socialement responsable.

Ces effets positifs sont surtout observables pour les marques que les consommateurs perçoivent comme moins fiables, que cela soit dû au produit en lui-même ou à une expérience antérieure que ces derniers ont eue avec ce type de produits. Point non négligeable, l’effet de la communication sur la réparabilité ne s’est jamais avéré négatif, comme certaines marques pouvaient le craindre.

Cette phase quantitative montre ainsi, empiriquement, que les marques peuvent communiquer sereinement sur la réparabilité de leurs produits, et, ce faisant, signaler que leurs produits sont durables et qu’elles mettent en place des mesures socialement responsables.

Des motivations stratégiques ou altruistes ?

Pour mieux comprendre les perceptions du consommateur et identifier d’autres facteurs pouvant influencer l’efficacité de la communication sur la réparabilité, nous avons ensuite mené une analyse qualitative des commentaires postés sur les réseaux sociaux.

Si la deuxième partie de l’étude confirme que la communication sur la réparabilité est globalement perçue positivement, elle met également en évidence l’importance de considérer d’autres éléments, tels que le scepticisme des consommateurs sur les vraies motivations des marques quand il s’agit de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Leurs arguments peuvent en effet soit être interprétés comme altruistes et authentiques, soit au contraire comme stratégiques, teintés d’ultra-consommation, d’obsolescence programmée et de profit, comme ces deux commentaires postés sur les réseaux sociaux en attestent :

« Attendre des industriels qui nous vendent de l’obsolescence programmée de fabriquer du réparable, il n’y a que moi qui m’interroge ? »

« Quelles raisons aurait un constructeur d’adopter ça ? La bienveillance ? La philanthropie ? Si ça marchait comme ça, ça se saurait… Je ne veux pas être défaitiste mais s’il n’y a pas de projet de loi, rien n’obligera les constructeurs à faire ça. Sans compter l’aspect économique. Ils seraient capables de multiplier les prix par deux ou trois ? »

Selon que le consommateur attribue le premier ou second type de motivations, l’effet de la communication sur la réparabilité aura alors un effet plus ou moins positif.

Au bilan, cette étude montre clairement que la communication sur la réparabilité des produits reste bénéfique pour les marques, et que l’argument de la durabilité l’emporte sur les craintes quant à la fiabilité. Les entreprises ont donc intérêt à sauter le pas, tout en veillant à la crédibilité de leur communication matière de RSE. Espérons que ces recherches pourront les aider à franchir ce cap, espérons aussi que les consommateurs feront le choix de faire réparer leurs produits plutôt que de les jeter.

 

Cet article, écrit par Joëlle Vanhamme, Professeur à l'EDHEC Business School et Pauline Munten, Chercheur à l'Université catholique de Louvain, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Photo de Kilian Seiler sur Unsplash

The Conversation