« Super Mario Bros », « Assassin’s Creed », « Uncharted »… les jeux vidéo au cinéma, un pari gagnant ?
Dans cet article, initialement publié dans The Conversation, Guergana Guintcheva, Professeure à l'EDHEC, et Philippe Aurier, Professeur à l'Université de Montpellier, s'intéressent au processus d’adaptation d’un jeu vidéo au cinéma (ou l’inverse) sous l’angle notamment du concept d’extension de marque.
En 2023, Super Mario Bros, le film inspiré du jeu éponyme Nintendo s’est hissé au top du box-office en France avec 7 359 264 entrées. C’est un cas spécifique d’une pratique bien connue et couramment utilisée sur le marché du divertissement : l’adaptation d’un contenu narratif d’un média vers un autre, une stratégie performante à bien des égards.
L’adaptation d’un contenu, une stratégie gagnante ?
Le cas le plus courant est l’adaptation d’un livre au cinéma, et qui a prouvé son efficacité depuis les origines de ce média. D’un point de vue commercial, les adaptations cinématographiques de livres rapportent 53 % de plus que les films issus de scénarios originaux et 70 % des 20 films les plus rentables au monde sont basés sur des livres.
Côté audiences, l’adaptation d’une histoire qui a bien fonctionné et a conquis une large cible assure l’attrait d’un public captif qui voudra certainement la revoir sur un autre média permettant d’en enrichir l’expérience. L’attrait pour la répétition est visible dès l’enfance. Dès notre plus jeune âge, nous écoutons ou regardons des récits (contes, histoires racontées par nos aînés, livres et films). Laura Perachio montre que les enfants préfèrent la fidélité à l’interprétation créative. Ils aiment revivre une histoire qu’ils connaissent déjà. Ils y recherchent une expérience prévisible qui les rassure car ils en connaissent les personnages, le climax et le dénouement.
Transposer une histoire sans la dénaturer
Le processus d’adaptation d’un jeu vidéo au cinéma (ou l’inverse) peut être analysé sous l’angle du concept d’extension de marque, bien connu en marketing. L’extension de marque consiste à développer et commercialiser de nouveaux produits sous le nom d’une marque existante, mais dans de nouvelles catégories.
Par exemple Nutella (marque mère, catégorie des pâtes à tartiner) lance des biscuits (extension de la marque vers une nouvelle catégorie, les biscuits. L’objectif est de faire levier sur la notoriété, l’image et la confiance associées à la marque existante, afin de pénétrer de nouveaux marchés. Il est essentiel que l’extension de marque soit cohérente avec les valeurs de la marque mère, ceci pour éviter toute confusion ou dilution de son image. Cette cohérence, appelée « fit » entre marque mère et extension, facilite le transfert des valeurs de la marque vers l’extension. En retour, cela renforce la crédibilité de la marque mère et crée une connexion positive avec le public cible.
Les chiffres montrent que cette forme d’extension de marque rencontre un fort succès dans le cas de jeux vidéo adaptés au cinéma.
Pourquoi la synergie entre jeux vidéo et cinéma opère ?
D’abord, au fil des années et des avancées technologiques, nous observons une convergence technique entre ces deux médias. Les jeux vidéo, comme le cinéma, recherchent le réalisme dans les cadrages, les plans ; utilisent de vrais acteurs par capture de mouvement pour rendre les animations des personnages plus réalistes ; des graphismes haute définition ; incluent des cinématiques (scènes pendant lesquelles le joueur ne joue pas, servant à avancer la narration, introduire un personnage, booster l’immersion).
Ensuite, l’adaptation de jeux vidéo au cinéma capitalise sur des audiences captives qui sont déjà fidèles à l’univers du jeu et seront certainement les premières à se rendre en salle, ce qui réduit le risque associé au lancement du film. De plus, la transposition de l’univers d’un jeu vidéo en format film élargit la base des publics, car le film est un format court, grand public et plus facile d’accès. Habituellement, un jeu vidéo dure plusieurs dizaines d’heures (143h pour finir Assassin’s Creed Odyssey ; 52h pour finir Mario Kart Delux, voire des années pour les jeux saga (33 ans 123 jours pour le jeu Dragon Quest), alors que le format court du film permet une immersion immédiate dans l’univers.
Le film Assassin’s Creed de 2016 ne visait pas obligatoirement une rentabilité immédiate mais plutôt des objectifs de promotion de la licence par une plus large diffusion de la marque auprès des audiences non acquises à la licence et à l’univers du jeu.
Il est important de souligner qu’il existe une asymétrie dans le processus d’adaptation, une majorité de jeux vidéo étant adaptés en films alors que peu de films sont adaptés en jeux vidéo. Même si les maisons de production cinématographique et les éditeurs de jeux vidéo semblent coopérer avec succès, il est déterminant que l’adaptation soit validée par les spectateurs.
Un accueil mitigé
La réponse est nuancée. Par exemple, le film Uncharted, adapté de l’immense succès de la série de jeux sur PlayStation, est un succès commercial avec un budget de production estimé à 120 millions de dollars et 400 millions de dollars de recettes au box-office mondial, mais l’évaluation du public est mitigée : note 6,3/10 sur IMDb.
Le film Super Mario Bros, quant à lui, avec un budget de production de 100 millions de dollars, a dépassé le milliard de dollars de recettes dans le monde et a été plus favorablement évalué par le public : 7/10 sur IMDb.
Le public qui consomme au cinéma un contenu narratif provenant d’un autre média arrive avec des attentes que l’adaptation doit satisfaire. Mais ces attentes sont ambivalentes. Les spectateurs veulent retrouver parfaitement préservée une histoire déjà connue et appréciée, tout en vivant une expérience suffisamment différente, nouvelle et enrichie. L’adaptation doit donc progresser sur une ligne de crête particulièrement étroite, avec d’un côté la fidélité à la source, et de l’autre l’enrichissement créatif. Par exemple, le film Super Mario Bros est resté très fidèle à l’univers coloré du jeu, aux protagonistes, tout en proposant une histoire plus complexe avec une vraie recherche sur le personnage de la princesse Peach forte et indépendante qui se défend seule avec ses prises de catch, avec des éléments créatifs propres au média cinématographique, comme les voix d’acteurs connus, une musique qui rappelle les thèmes du jeu mais qui est remixée avec des trouvailles musicales comme la déclaration d’amour de Bowser à Peach au piano.
Le lien entre jeux vidéo et cinéma continuera à se renforcer dans l’avenir. Au niveau mondial l’industrie du jeu vidéo dépasse celle du cinéma en termes de recettes. Elle affiche une croissance constante et une base de joueurs en augmentation continue.
Cette coopération est donc clairement un « GG » (« Good Game » dans le jargon des gamers).
Cet article de Guergana Guintcheva, Professeure à l'EDHEC Business School et Philippe Aurier, Professeur à l'Université de Montpellier, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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« Super Mario Bros », « Assassin’s Creed », « Uncharted »... Les chiffres montrent que cette forme d’extension de marque rencontre un fort succès dans le cas de jeux vidéo adaptés au cinéma. Mais plusieurs facteurs doivent être pris en compte, notamment la "validation" des spectateurs, pour permettre à cette recette de fonctionner.
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https://theconversation.com/super-mario-bros-assassins-creed-uncharted-les-jeux-video-au-cinema-un-pari-gagnant-224400
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