Quand les étudiants et jeunes diplômés jugent les process de recrutement des entreprises, ils ne sont pas tendres. Un paradoxe au regard des sommes dépensées en marque employeur. Trop longs, peu clairs les process doivent maintenant changer.
Face aux départs en retraite des baby-boomers, la dynamique démographique du marché de l’emploi place le recrutement des jeunes générations comme une des premières préoccupations des entreprises.
Pourtant, tout en investissant des moyens considérables – humains comme financiers – dans leur communication de recrutement pour attirer les jeunes diplômés, les entreprises peinent encore souvent à recruter. Pour comprendre ce phénomène, les entreprises se sont-elles vraiment interrogées sur la qualité de l’expérience qu’elles offrent aux candidats, notamment les plus jeunes si chèrement approchés ?
Des offres d’emploi qui déçoivent
Depuis la rédaction de l’offre d’emploi jusqu’à la signature du contrat de travail, l’expérience candidat révèle autant de déceptions pour les jeunes que d’opportunités manquées pour des entreprises qui semblent délaisser cet enjeu pourtant essentiel de la marque employeur.
La génération Z attend des processus de recrutement plus rapide, des contacts vraiment personnalisés et une plus grande transparence salariale, selon la dernière étude conduite par l’EDHEC NewGen Talent Centre et le Gen Z lab de Job teaser auprès de 5 866 étudiants et jeunes professionnels et 561 responsables RH sur le thème de « l’expérience candidat ».
80 % des entreprises considèrent le marché de l’emploi favorable aux jeunes diplômés. De leur côté, les jeunes se projettent plutôt bien dans leur prochain emploi et s’estiment préparés à l’intégrer. Ainsi plus de 7 jeunes sur 10 déclarent connaître leurs forces et leurs faiblesses professionnelles, le secteur dans lequel ils souhaitent travailler et les tâches qu’ils aimeraient accomplir. Ils manquent toutefois encore de connaissances sur les perspectives d’évolution une fois dans une fonction, et d’informations sur les salaires.
Revoir les priorités des recruteurs
Alors qu’il s’agit du premier véritable contact entre un jeune et un futur employeur, « améliorer l’expérience candidat » n’arrive qu’en cinquième position des défis auxquels font face les recruteurs selon cette dernière étude.
Seul un quart des recruteurs adapte toujours leurs annonces pour les rendre attractives auprès de profils juniors… Or, pour capter l’attention des jeunes candidats dès la publication de l’offre, il est essentiel de maîtriser leurs codes et d’adapter l’approche aux spécificités de ceux qui entrent sur le marché du travail. Ils préfèrent un descriptif court avec des phrases concises, la mise en avant du sens de leur mission et des valeurs de l’entreprise, une transparence dans la fiche de poste ou encore un langage qui leur correspond.
Ainsi, parmi les éléments des offres d’emploi qui encouragent le plus les candidats à postuler, les recruteurs devraient réintroduire plus systématiquement la rémunération, les missions et valeurs de l’entreprise et le détail de la procédure de recrutement et de sa durée…
La règle des 22 jours
Parmi les facteurs d’abandon des candidatures, les jeunes pointent des prises de décisions excessivement longues avec trop d’étapes de recrutement. Ils mentionnent notamment une demande abusive de travaux et mises en situation, qu’ils vivent parfois comme de la défiance, voire du consulting à moindre frais. En la matière, les petites structures, et notamment les start-up de la tech, ne semblent pas plus exemplaires que les grandes entreprises.
En outre, ces processus apparaissent parfois divergents avec les valeurs affichées par l’entreprise. Un candidat est un collaborateur en puissance : le manque de confiance, de considération et de transparence dès le processus de recrutement ne présage pour lui rien de bon et s’avère souvent rédhibitoire.
Les jeunes évaluent à 22 jours la durée maximale d’un processus de recrutement. Or 1/3 des entreprises admettent aisément dépasser cette durée et ce chiffre est sans doute sous-évalué.
Les jeunes regrettent un manque de visibilité sur la rémunération, question qui selon eux devrait être abordée en toute transparence dès le début des processus.
Ils soulignent aussi l’importance de la relation humaine. Ainsi, n’avoir aucun contact avec leurs futurs manager et collègues, ou manquer de proximité avec le recruteur peut leur faire abandonner une procédure.
On ne « ghoste » pas
Autre énorme surprise de cette étude : 86 % des candidats déclarent avoir déjà été ignorés ou « ghostés » par un recruteur… ce qu’avouent 42 % des recruteurs.
Après s’être tant démenées pour trouver des candidats, les entreprises les négligent parfois au point de les oublier au cours du process. Quelle qu’en soit la raison et même par manque de temps, c’est une pratique totalement contre-productive pour une nouvelle génération en quête de transparence. Et ces jeunes, adeptes des plates-formes d’évaluation des entreprises, n’oublieront pas comment ils ont été considérés… S’ils sont candidats aujourd’hui, ils seront consommateurs ou prescripteurs tout au long de leur vie.
Enfin, dernière étape de l’expérience candidat, l’intégration dans l’entreprise pourrait également s’améliorer notamment sur la dimension sociale. La présentation des perspectives de carrière dans l’entreprise et la formation spécifique pour la prise de poste, éléments essentiels d’une rapide inclusion et projection dans l’entreprise sont très demandées par les jeunes.
Et si l’IA sauvait l’expérience candidat
Les recruteurs opposent souvent le manque de temps et de moyens humains pour expliquer les négligences de leur expérience candidat. De nombreux grands recruteurs ont déjà pressenti l’immense potentiel de l’IA sur ce sujet. Aujourd’hui, plus que jamais, l’usage de la data dans les process est central, que ce soit pour sourcer les bons candidats, “monitorer” le suivi du parcours d’entretiens, ou améliorer le ROI des offres. L’analyse de la data dans les recrutements est jugée importante pour 73 % des entreprises et l’IA, déjà utilisé par 36 % des recruteurs, bénéficie d’une image très positive.
L’IA trouve déjà des usages variés : les réponses par mail, le screening des CV, la préparation des entretiens, la prise de contact avec des candidats, la rédaction des cas et mises en situation… Particulièrement efficace, l’usage de l’IA pour rédiger les offres d’emploi possède ainsi un fort potentiel de développement.
En conclusion, l’expérience de candidature est un élément clé avec une véritable influence sur l’image de marque d’une entreprise : 77 % des jeunes ayant vécu une mauvaise expérience de candidature affirment que leur perception de l’entreprise s’est dégradée.
Ces défaillances de l’expérience candidat aux yeux des jeunes constituent donc autant d’opportunités d’améliorations pour convertir les investissements importants de la marque employeur.
Cet article de Geneviève Houriet Segard, Docteur en démographie économique, Directrice adjointe et ingénieur de recherche à l’EDHEC NewGen Talent Centre, EDHEC Business School et Manuelle Malot, Directrice Carrières et NewGen Talent Centre, EDHEC Business School, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.