Qui soutient les initiatives en faveur de l'égalité des genres dans les entreprises ? Comprendre le rôle des émotions
Dans cet article basé sur un nouveau travail de recherche en cours (1), Fabian Bernhard, Professeur à l'EDHEC, offre un premier aperçu des raisons et manières dont les émotions, et pas seulement les arguments logiques, influencent le soutien (des hommes) aux mesures d'égalité des genres.
Les efforts visant à promouvoir l'égalité des genres sur le lieu de travail, tels que la discrimination positive et les quotas de genre, suscitent souvent des réactions mitigées. Si de nombreuses personnes reconnaissent la nécessité de telles politiques, elles ne les soutiennent pas toutes de la même manière. En particulier, le soutien des hommes aux initiatives en faveur de cette égalité varie considérablement, ce qui soulève une question importante : qu'est-ce qui pousse certains hommes à soutenir ces initiatives alors que d'autres y restent réfractaires ?
Les recherches sur l'égalité des genres se sont traditionnellement concentrées sur les motivations cognitives (par exemple, la nécessité de démontrer la pertinence de l'égalité) (2), au détriment des forces émotionnelles (3). Cependant, notre travail en cours adopte une approche différente (1). Nous explorons comment les émotions, en particulier la culpabilité, peuvent affecter les attitudes des individus envers les mesures d'égalité des genres.
Ce que nos recherches mettent en lumière
Au sein d'une équipe de chercheurs français et canadiens, nous avons examiné si le degré de masculinité ou de féminité des traits (au sens large) d'une personne joue un rôle dans la formation de son sentiment de culpabilité collective à l'égard de l'inégalité des genres. Nous avons mené deux études distinctes pour analyser le lien entre les traits de genre, la culpabilité et le soutien à l'action positive (affirmative action).
Dans la première étude, nous nous sommes concentrés sur les hommes et avons constaté que ceux qui adoptent des traits traditionnellement attribués aux femmes (par exemple, l'empathie, la chaleur, la coopération) sont plus susceptibles de ressentir une culpabilité collective à l'égard de l'inégalité des genres. Cette culpabilité, à son tour, les rend plus favorables aux programmes d'action positive en faveur des femmes.
Dans la deuxième étude, nous avons élargi la recherche aux hommes et aux femmes en milieu professionnel. Nous avons constaté que la masculinité était associée négativement à la culpabilité, ce qui signifie que les personnes ayant des traits masculins plus marqués étaient moins susceptibles de se sentir responsables des inégalités de genres et, par conséquent, étaient moins favorables, par exemple, aux quotas de genre. Il est à noter que la culpabilité collective pour les "privilèges hérités" a influencé la volonté des hommes et des femmes de soutenir des mesures plus fortes en faveur de l'égalité.
L'un des principaux enseignements à tirer est que le soutien à l'égalité des sexes n'est pas simplement une question d'être un homme ou une femme, mais plutôt de savoir dans quelle mesure un individu s'identifie aux traits traditionnellement attribués aux hommes ou aux femmes. Nos résultats suggèrent que les traits de masculinité sont négativement liés à la reconnaissance des privilèges fondés sur le sexe, tandis que la féminité encourage le soutien à l'action positive par les mécanismes des émotions.
Les principales implications pratiques
Nos premières conclusions débouchent au moins sur trois implications pratiques pour les étudiants qui se préparent à entrer sur le marché du travail et pour les entreprises qui cherchent à créer des environnements plus inclusifs.
Tout d'abord, ce ne sont pas seulement les bonnes raisons qui nous convainquent, mais aussi ce que nous ressentons. Par conséquent, les organisations qui souhaitent encourager les modalités de l'adhésion à l'égalité des genres ne doivent pas seulement présenter des arguments économiques, mais aussi reconnaître les facteurs émotionnels qui influencent le soutien aux efforts en faveur de la diversité. Les programmes de formation peuvent aider les individus à comprendre comment les réponses émotionnelles telles que la culpabilité peuvent être constructives plutôt que défensives.
Ensuite, les entreprises qui cherchent à accroître la diversité des genres dans leurs équipes de direction devraient s'attacher à développer l'empathie, l'intelligence émotionnelle et les compétences décisionnelles inclusives de leurs dirigeants. Encourager le développement de traits traditionnellement « féminins » peut aider les hommes à devenir des alliés plus actifs dans les efforts en faveur de l'égalité des genres.
Enfin, au lieu de considérer la culpabilité comme une émotion négative, les entreprises et les institutions pourraient l'utiliser comme un catalyseur de changement. Par exemple, lorsque les individus reconnaissent les injustices passées, ils sont plus enclins à prendre des mesures pour les corriger.
Quelques réflexions complémentaires
Bien que ce travail de recherche soit toujours en cours, nous avons déjà pu offrir un aperçu des fondements émotionnels des efforts en faveur de l'égalité des sexes. Cela augure de nouvelles façons de réfléchir à ce qui motive les gens à soutenir les (ou à résister aux) politiques et initiatives d'action positive. Notre étude en cours approfondira ces résultats et leurs implications.
Références
(1) En relecture – article 2025 par Fabian Bernhard, Eddy Ng, Sabine Jentjens
(2) Cullen, P and Murphy, MP. (2018). Leading the debate for the business case for gender equality, perilous for whom? Gender, Work & Organization, 25(2), 110-26 - https://doi.org/10.1111/gwao.12199
Hahn, T, Preuss, L, Pinkse, J and Figge, F. (2014). Cognitive frames in corporate sustainability: Managerial sensemaking with paradoxical and business case frames. Academy of management review, 39(4), 463-87 - https://doi.org/10.5465/amr.2012.0341
(3) Baumeister, RF, Vohs, KD, Nathan DeWall, C and Zhang, L. (2007). How emotion shapes behavior: Feedback, anticipation, and reflection, rather than direct causation. Personality and social psychology review, 11(2), 167-203 - https://doi.org/10.1177/1088868307301033
Haidt, J. (2001). The emotional dog and its rational tail: A social intuitionist approach to moral judgment. Psychological Review, 108(4), 814 - https://doi.org/10.1037/0033-295X.108.4.814
Trentham, S and Larwood, L. (1998). Gender discrimination and the workplace: An examination of rational bias theory. Sex Roles, 38(1-2), 1-28 - https://api.semanticscholar.org/CorpusID:141445242
Wang, CS, Whitson, JA, King, BG and Ramirez, RL. (2023). Social movements, collective identity, and workplace allies: The labeling of gender equity policy changes. Organization Science, 34(6), 2508-25 - https://doi.org/10.1287/orsc.2021.1492
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